En raison de la crise sanitaire, le contenu qui accompagne la sortie du livre "Le Cinquième Mur" sera complété progressivement ce printemps.


Année 3, 2016-17 :
"La relation œuvre/spectateur"

Renouveau des formes scéniques 3
Décrire et analyser les pratiques scéniques contemporaines (études de cas)


Au terme de deux années de séminaire, la matière s’accumule, des pistes se dégagent, mais une grande part du chantier reste à mener.

Un constat, tout d’abord – qui ne tient pas tant aux scènes contemporaines qu’à la société qui est la nôtre : ce séminaire répond au besoin partagé de prendre le temps de la réflexion, comme un acte de résistance, ou à celui d’instaurer de nouveaux liens entre les champs trop fragilisés de la culture et de la recherche. Le théâtre qui l’accueille ouvre ses portes à une recherche au long cours mais se fait aussi « abri », lieu où venir penser ensemble.

Si la définition des critères d’un corpus reste délicate, si dégager ce qui rassemble les pratiques que nous tentons de cerner ne peut être une donnée préalable mais le résultat de nos travaux, quelques éléments confirment qu’au-delà des appartenances disciplinaires, certaines pratiques scéniques sont à rapprocher, et travaillent en des endroits similaires. Ainsi, la nécessité de sortir des oppositions entre performance et théâtre, réel et représentation, dramatique et post-dramatique est éprouvée tant par les artistes que par les chercheur·e·s invité·e·s. Milo Rau a ainsi affirmé qu’il s’agit pour lui d’inventer des formes de théâtre qui viendraient après la performance ; Michel Poivert a évoqué la nécessité de dépasser une critique benjaminienne de l’image pour réenchanter l’art, la pensée et le monde, tandis qu’est régulièrement souhaité un modèle théorique prenant en compte et dépassant le postmoderne. Le constat est partagé, les outils théoriques et critiques restent à modéliser.

Quelques caractéristiques commencent à pouvoir être dégagées de ces pratiques scéniques contemporaines, qui toutes réaffirment et revivifient le rassemblement face à une scène. La scène n’y est pas seulement un cadre donné d’emblée, mais elle s’invente et apparaît au cours de la représentation, sur le « cinquième mur », selon la formule proposée par Romeo Castellucci pour désigner "l’écran mental" de chaque spectateur·rice. Elle instaure des dynamiques, déjoue et rejoue les perceptions. Elle est le lieu où tous les éléments peuvent être à l’étal, à disposition, mais rassemblés par le cadre même où ils paraissent. La scène permet de présenter de l’hétérogène et de faire feu de tout bois pour composer des mondes. Il ne s’agit pas seulement de proposer des œuvres qui seraient à l’image de la complexité qui nous entoure, mais de nous permettre d’éprouver le besoin – et la possibilité – de faire advenir (performer) d’autres réalités incertaines, tissées de perceptions, d’illusions et de fictions, venant résoudre quelque chose de notre condition d’homme contemporain : qu’il s’agisse d’inventer de nouvelles temporalités au croisement du temps réel et de celui du théâtre, de défaire, en les rendant labiles et mouvantes, les assignations de genre et de race, de faire éprouver intimement un autre rapport à l’histoire collective, de modifier la fiction d’un événement partagé, de se plonger collectivement dans une image précaire et chaotiquement advenue, ou de questionner les représentations qui traversent nos visions et perceptions sensibles du monde.

Vers la dramatisation...

Cette troisième année du séminaire fut l’occasion d’éprouver différemment nos hypothèses, tout en prolongeant la réflexion déjà menée. Les chercheur·e·s ont été invité·e·s à proposer moins un exposé théorique ou une présentation de leurs travaux que l’étude d’un spectacle programmé à Nanterre-Amandiers ou dans la région parisienne dans le mois précédant, en s’attachant particulièrement à décrire la dramaturgie spécifique de la relation théâtrale mise en place par le spectacle. Par ce biais, chercheur·e·s et artistes invité·e·s sont intervenu·e·s sur ce que nous appelons la dramatisation : la manière dont la mise en place de l’artifice théâtral et l’expérience spectatrice en elle-même participent du sens et de l’effet de l’œuvre, autant que les signes et les récits exposés sur scène.

C’est ainsi à la relation actuelle entre les œuvres et leurs spectateur·rice·s, et aux possibilités d’en rendre compte, que cette dernière année a été consacrée.

Calendrier

14 octobre
– BÉNÉDICTE BOISSON, MCF études théâtrales, Rennes 2
12 novembre
– MARKUS ÖHRN, metteur en scène

– ÉRIC VAUTRIN, MCF études théâtrales et dramaturge, Unicaen/Vidy

16 décembre
– DARIA DEFLORIAN & ANTONIO TAGLIARINI, metteurs en scène

– MARIE-MADELEINE MERVANT-ROUX, directrice de recherche émérite études théâtrales, THALIM/CNRS